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La Commanderie de Launay

Texte écrit par Etienne Meunier

La Commanderie de Launay La Commanderie de Launay

Le roi Louis VI le Gros attire les chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Theil dans le Sénonais. Ceux-ci n’arriveront toutefois qu’un siècle plus tard à Saint-Martin-sur-Oreuse. Ils profitent ainsi de deux opportunités : la route qui mène aux foires de Troyes par l’Oreuse, et la déroute d’Erard de Brienne qui leur vend sa suzeraineté sur son château de Fleurigny en 1226. Ils achètent des biens à partir de 1227. L’Ordre de l’Hôpital institue alors une « Maison » à Launay dès 1259. Contrairement aux légendes locales, il ne s’agit donc pas d’une fondation templière, même si les terres templières de la région (Courroy et la ferme de Vaulmery sous Pailly) seront unies à la Maison. Launay se hisse au rang de « Commanderie » dès 1373.

Les Hospitaliers se réorganisent à la fin de la guerre de Cent Ans. Progressivement, à partir de 1469, Launay prend la tête des commanderies de la rive droite du Sénonais : Saint-Thomas de Joigny, Cerisiers, Roussemeau. Son importance va très donc au delà des 215 arpents de sa ferme qui s’étendent jusqu’à la Borde. L’ordre attribue la commanderie au Grand-Prieur de France, son plus haut dignitaire de tout le Bassin Parisien. En 1508, Philippe de Villiers de l’Isle-Adam (+1534) est à Launay : il sera Grand Maître de l’Ordre en 1521 et commandera la défense héroïque de Rhodes, puis établira le siège de l'Ordre à Malte. François de Lorraine, frère du duc et du cardinal de Guise décède dans sa commanderie en 1562. Des membres de la famille royale par bâtardise, sont fréquemment commandeurs de Launay : Henri de Valois-Angoulême (+1585), Charles d’Orléans (en 1591), Philippe de Vendôme (°1655+1727), Jean-Philippe d’Orléans (°1702+1478). Launay se peuple d’arquebusier, écuyer, portier, chapelain, chirurgien, garennier, concierge, secrétaire. Plusieurs moulins à eau (le Vieil Aulnay, le petit et le grand moulin de Launay) donnent un air industriel aux abords du château.

La Commanderie est ruinée par les Protestants en 1567. Georges Regnier de Guerchy entreprend de grands travaux d’entretien. Mais l’Ordre préfère confier les lieux à des receveurs issus de la bourgeoisie de Sens à la fin du règne de Louis XIII. Les Grands-Prieurs sont absorbés par Paris et Malte.

Un donjon trône dans une basse cour défendue par des fossés. Un étang régule le régime des eaux indispensables aux moulins. Une porte fortifiée donne accès à ce qui reste un important centre de gestion de domaines répandus dans tout le Sénonais. Pendant 150 ans, les Périllault et les Bertrand gèrent l’opulente recette, leur plus lourde charge étant d’y résider. Bergers et domestiques du receveur circulent seuls à présent : oubliées les cavalcades de brillants gentilshommes revenant de Méditerranée. Philippe Bertrand, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de Franche-Comté, en charge de la construction du canal Rhin-Rhône, a grandi à Launay.

En 1789, l’Eglise catholique romaine et toutes les institutions liées sont détruites. Contrairement aux curés, le nouveau régime n’offre pas de pensions aux gendarmes de la Méditerranée. En août 1795, la commanderie de Launay est vendue. En quelques décennies, l’essentiel des bâtiments est rasé. La porte d’entrée est transportée à l’entrée du parc du château de Fleurigny. Un très beau logement subsiste, conservant jusque dans les années 1980 une rare et belle galerie en étage. L’indispensable réseau d’eau est sacrifié, les moulins ayant été réduits au silence.

Que vous fussiez en voyage à Malte, à Jérusalem, dans le Marais à Paris ou à Rhodes, tous ces hauts-lieux du tourisme mondial vous ramèneront à Launay.

La Commanderie de Launay: vue de la facade est La Commanderie de Launay: vue de la facade ouest